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La figure controversée de Mario Moretti, entre histoire et suspicion

Elisa Santalena

Résumé

Mario Moretti, secondo capo delle Brigate Rosse, forse meno conosciuto dal grande pubblico rispetto a Renato Curcio, il capo storico e fondatore del gruppo terrorista, è una figura controversa : non solo per circa dieci anni ha diretto una delle organizzazioni criminali più conosciute del secondo dopoguerra, ma è stato soprattutto colui che ha organizzato il sequestro Moro e che ha ucciso il presidente della DC con le sue stesse mani per sua ammissione.
I sentimenti che suscita sono dunque di vario genere : chi lo considera con rispetto, chi con ammirazione, chi con sospetto….

Analizzeremo la figura di colui che è stato uno dei principali attori della lotta armata degli anni di piombo attraverso i suoi stessi scritti, quelli dei suoi compagni terroristi (A.L BRAGHETTI, E. FENZI, A. FRANCESCHINI, R. CURCIO) fino a quelli di Sergio FLAMIGNI, politico e scrittore italiano, autore di numerosi testi sulle vicende politiche italiane degli anni 70/80

Texte intégral

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Si l’on veut étudier l’histoire de la lutte armée en Italie et, en particulier, celle des Brigades rouges, l’analyse de la figure controversée de Mario Moretti constitue un passage obligé. Moretti fut le chef du groupe armé de 1976 à 1981, entre l’arrestation de Renato Curcio et sa propre capture à Milan. Le fait qu’il ait vécu dans la clandestinité pendant tant d’années entoure son personnage de mystère et a fait de lui une légende, aussi bien pour les militants d’extrême gauche que pour le monde institutionnel qui l’avait nommé la primula rossa delle Brigate Rosse tant il semblait imbattable et imprenable. Moretti a représenté la synthèse entre les brigades des usines de l’époque de Renato Curcio et les Brigades rouges sanglantes de Giovanni Senzani[1], entre l’attention au mouvement ouvrier et la lutte armée la plus extrême et la plus sanglante. La centralité de ce personnage en fait donc une clef fondamentale pour la compréhension de la gauche révolutionnaire italienne de cette période de lutte.

Il ressort de cette synthèse une figure controversée qui donna naissance à deux courants, lesquels, depuis trente ans, se disputent la vérité sur lui : le premier le considère comme le plus pur des révolutionnaires, comme celui qui a fait basculer l’Histoire et qui a échappé à l’arrestation pendant près de dix ans. Dans cette perspective, Mario Moretti est admiré pour sa détermination, mais aussi pour le courage dont il a fait preuve en admettant cialis australia ses propres fautes, en reconnaissant la fin de la lutte armée et en assumant l’entière responsabilité de ses actes. Le deuxième courant le considère au contraire comme un espion, un personnage ambigu au service du pouvoir même qu’il feint de vouloir abattre. De là est né le surnom que Sergio Flamigni[2], le célèbre diétrologue[3] italien, lui a attribué : le « sphinx » des Brigades rouges[4].

Nous verrons comment les brigadistes, à travers leurs souvenirs, élaborent entre eux une forme d’échange autour de la figure de Mario Moretti. Le retour sur les événements historiques qui les concernent a pour conséquence soit de jeter le discrédit sur Moretti, soit de l’innocenter, soit, plus simplement, de donner un sens à des vies brûlées par la lutte armée. Nous prendrons en compte les témoignages du noyau historique des Brigades rouges et leurs interviews de la décennie 1994-2004, en particulier celles de Renato Curcio[5], de Mario Moretti[6] et d’Alberto Franceschini[7], en faisant aussi référence à un texte moins célèbre, mais digne d’intérêt, Armi e bagagli. Un diario delle Brigate Rosse d’Enrico Fenzi[8]. Nous analyserons également le parcours politique de Moretti en nous intéressant aux événements qui ont entretenu la querelle sur sa figure, en laissant de côté les « mystères » de l’affaire Aldo Moro (ou qui y sont liés), lesquels mériteraient à eux seuls un chapitre à part entière.

 

Mario Moretti naît à Porto San Giorgio, dans les Marches, le 16 janvier 1946 et y vit jusqu’au début de 1968. Il part alors pour Milan à la recherche d’un travail et est embauché à l’usine Sit-Siemens[9] où, pour la première fois de sa vie, il connaît la vie des ouvriers, les syndicats, les premières grèves et où, surtout, il entre en contact avec ses futurs camarades brigadistes[10]. À cette époque, il rencontre Renato Curcio[11] qui anime, avec sa femme Margherita Cagol et avec Corrado Simioni[12], le Collectif politique métropolitain (CPM : Collettivo politico metropolitano). Ce collectif donne naissance en 1970 au groupe historique des Brigades rouges. Moretti, par la suite, s’éloigne du CPM, en désaccord avec les méthodes secrètes de Simioni. Quand celui-ci s’installe à Paris[13] pour fonder l’école de langues Hypérion et se détache des Brigades rouges, Moretti entre à nouveau en contact avec les fondateurs du groupe terroriste, auquel il s’associe à part entière peu après leurs premières actions.

Dès le début de l’histoire des Brigades rouges, le personnage de Moretti paraît ambigu, ce qui alimente les extrapolations d’Alberto Franceschini pour qui il aurait été un homme de Simioni et aurait réintégré les Brigades rouges après une longue absence pour les infiltrer[14]. Avant d’être accepté dans le groupe dirigeant, Moretti est mis à l’épreuve et envoyé, pendant l’été 1971, dans le Trentin pour une attaque à main armée d’autofinancement. À ce propos, Franceschini se contredit pour la première fois :

C’était une bonne règle de soupçonner ceux qui demandaient à rentrer dans l’organisation. À ce moment-là, nous étions convaincus que, si la police ou les carabiniers avaient voulu nous infiltrer avec un de leurs agents, ils ne leur auraient jamais permis de commettre un crime aussi grave que l’attaque à main armée d’une banque[15].

Moretti ayant surmonté cette épreuve, les soupçons qui pesaient sur lui auraient donc dû disparaître. Ils furent, au contraire, les premiers d’une longue série.

En mars 1972, les Brigades rouges organisent leur premier enlèvement, celui d’Idalgo Macchiarini, dirigeant de la Sit-Siemens[16]. C’est Moretti lui-même qui le propose, l’organise et le met en œuvre : si l’attaque à main armée avait confirmé qu’on pouvait lui faire confiance, cette séquestration confirme son entrée dans le groupe dirigeant des Brigades rouges avec Curcio, Cagol et Franceschini.

En mai 1972, la police découvre que la base brigadiste réside rue Boiardo à Milan, alors que les militants étaient en train de projeter l’enlèvement du député démocrate-chrétien Massimo de Carolis[17] : l’organisation est ainsi décimée, la séquestration échoue, mais le groupe dirigeant réussit à échapper à l’arrestation. Quand Moretti arrive sur place, avec la FIAT 500 de sa femme, une perquisition est en cours : il comprend immédiatement ce qui se passe, quitte sa voiture et téléphone à son épouse pour lui dire d’aller rapidement la chercher mais, pendant ce temps, la police repère et saisit le véhicule : la femme de Moretti est arrêtée le soir même et, pour le militant, c’est le début de la clandestinité. Franceschini[18] s’interroge à nouveau sur le fait que Moretti ait évité l’arrestation de peu : il a en effet laissé sa voiture juste devant la base brigadiste. Franceschini laisse ainsi entendre que la police a pu fermer les yeux sur la présence de Moretti.

Le 28 juin 1973, Moretti est à la tête du commando brigadiste qui enlève Michele Mincuzzi. Cet ingénieur d’Alfa Romeo est conduit dans un repaire des Brigades rouges où il est interrogé, enchaîné et bâillonné. Il est peu après relâché au bord d’une route avec un panneau accroché au cou où est écrit un bref communiqué. Moretti, au moment de dessiner l’étoile à cinq branches, symbole des Brigades rouges, en ajoute une de plus par distraction et dessine l’étoile de David. La photo est publiée dans le Corriere della Sera. Dans l’interview que Moretti a donnée à Rossana Rossanda, il minimise ce fait et parle d’une simple distraction. Renato Curcio[19] confirme cette version, mais Franceschini, pour sa part, pense qu’il s’agit d’un message adressé au Mossad[20].

Le 18 avril 1974, les Brigades rouges enlèvent le juge Mario Sossi[21] : il s’agit de leur première grande action armée contre l’État. Peu après, grâce à la collaboration de Silvano Girotto, un ancien franciscain surnommé « frate Mitra »[22], Curcio et Franceschini sont arrêtés par les carabiniers du général Dalla Chiesa[23]. Ici non plus les versions ne coïncident pas : Moretti dit qu’ils se sont vus tous les trois à Parme pour une réunion du Comité national. Pour sa part, il rentre à Turin. Franceschini aurait dû rentrer à Rome et Curcio qui, le lendemain, aurait dû se rendre seul au rendez-vous avec Girotto, décide de rester à Parme pour la nuit. En rentrant, Moretti est informé par un camarade que, le jour suivant, Curcio sera arrêté. Il retourne donc immédiatement sur ses pas pour le prévenir, mais ne le trouve pas. Il en déduit qu’il est rentré à Turin à l’avance et, ne connaissant pas l’emplacement de la base brigadiste, il passe la nuit entre Parme et Pinerolo en tâchant de le prévenir, mais sans succès. Le lendemain, Curcio et Franceschini sont donc arrêtés. Selon Moretti, le seul mystère à éclaircir est de savoir pourquoi Franceschini n’est pas rentré à Rome comme prévu. Mais la version de ce dernier ne coïncide en rien[24] avec la sienne. Le soir de la réunion à Parme, Moretti aurait demandé à sortir de l’exécutif parce qu’il était en désaccord avec la libération de l’otage Sossi : ils décident donc de choisir une date pour élire un nouvel exécutif, et Curcio et Franceschini partent pour Turin. Franceschini accuse Moretti d’avoir été au courant du projet d’arrestation et de s’être délibérément abstenu de les prévenir puisque, après leur arrestation, non seulement il ne démissionne pas mais devient le chef absolu des Brigades rouges avec Mara Cagol.

À cette accusation, Moretti réplique de la sorte : « Mais quelles suspicions ! Franceschini a désormais fait de la dissociation et des insinuations contre les Brigades rouges son métier. Il a un rapport tordu avec lui-même et avec la vérité. »[25] Encore une fois, Renato Curcio innocente Moretti et affirme avoir mené plusieurs enquêtes pour comprendre ce qu’il s’était réellement passé : « Les seules fautes que l’on peut attribuer à Moretti ne sont que son étourderie et sa distraction. » Il écrit, par la suite :

Les faits que j’ai vérifiés sont les suivants. Cinq jours avant notre arrestation, le lundi 2 septembre, Enrico Levati, un médecin de Novara très naïf qui avait des rapports périphériques avec les Brigades rouges, reçoit un mystérieux coup de fil : « Préviens Curcio de ne pas se rendre au rendez-vous avec Girotto, il s’agit d’un piège. » […] Le message arrive à Moretti entre le jeudi et le vendredi, mais il n’estime pas nécessaire d’agir dans l’immédiat parce qu’il sait que […] je n’allais pas bouger de cet endroit jusqu’à samedi dans la nuit, voire dimanche matin. Il pense donc venir me prévenir dans la journée de samedi[26].

Curcio insiste encore sur le fait que Moretti essaie de le prévenir, mais sans succès parce qu’il n’arrive à Parme qu’après leur départ. Il tâche donc de les retrouver à Turin sans savoir exactement où ils sont. Il convoque alors en pleine nuit un groupe de camarades chargés de les retrouver mais, dans la mesure où Curcio suit des routes secondaires, tous leurs efforts restent vains.

En 1975, Mara Cagol et Mario Moretti font évader Renato Curcio de la prison de Casale Monferrato et, peu de temps après, Mara Cagol est tuée par un carabinier pendant la séquestration de Gancia[27].

En 1976, le fondateur des Brigades rouges est à nouveau emprisonné et retrouve Alberto Franceschini dans la prison Nuove de Turin. Selon ce dernier, Curcio lui aurait dit : « Je suis certain que Moretti est un espion »[28], étant donné que, peu avant son arrestation, après une réunion et en brisant les lois de la compartimentation[29], Moretti aurait insisté pour rester dormir chez lui. Trois jours plus tard Curcio est arrêté dans ce même appartement.

Le fondateur des Brigades rouges explique ainsi la thèse de son camarade :

Ce qui est grave c’est que, sous une montagne de bavardages, de suspicions éphémères, on ensevelit un homme, Mario Moretti, que la justice d’État a déjà, d’elle-même, enterré sous une montagne de condamnations à perpétuité. Ceci étant dit, ce n’est pas mon rôle de juger Franceschini, mais je dois dire que, personnellement, je n’ai aucune raison de partager les actions et les discours de ceux qui traînent dans la fange, qui discréditent et suspectent Mario Moretti. C’est pour cela que j’éprouve beaucoup d’amertume quand certaines personnes, avec qui j’ai partagé une partie importante de ma vie, le font[30].

Outre le fait que Moretti est à nouveau innocenté par quelqu’un qui aurait pu avoir tout intérêt à le discréditer, Franceschini reconnaît lui-même qu’après avoir demandé à Azzolini et Bonisoli[31], ses camarades de Reggio Emilia en qui il avait confiance, d’ouvrir une enquête sur Moretti, cette « enquête ne mena à rien et, quelques mois plus tard, nous décidâmes de laisser tomber »[32].

Par la suite, Moretti s’établit à Rome où il projette la soi-disant « Campagne du printemps » qui est menée en 1978 avec la séquestration et l’assassinat du président de la Démocratie chrétienne, Aldo Moro. Le nouveau chef des Brigades rouges, comme il l’a lui-même admis, a projeté, exécuté et géré cette action, en tuant notamment de ses propres mains l’homme d’État. Après l’enlèvement de Moro, les Brigades rouges s’affaiblissent et des divisions apparaissent au sein du groupe dirigeant[33].

En 1981, Moretti essaie de reconstituer un nouveau groupe et, pour ce faire, s’expose à des risques excessifs. Il se rend à Milan avec Enrico Fenzi[34] pour recruter de nouveaux jeunes, notamment Renato Longo, un délinquant indicateur de la DIGOS[35]. Au moment de la rencontre, après plus de dix ans de fuite et de clandestinité, Moretti est arrêté et condamné à six reprises à la prison à perpétuité.

Deux mois après son incarcération dans la prison spéciale de Cuneo, il est victime d’une mystérieuse agression. Un prisonnier de droit commun, Salvador Farre Figueras, l’agresse avec un couteau, le blessant au bras. Immédiatement après, Enrico Fenzi est également agressé. Le chef des Brigades rouges, dans son livre-interview, essaie d’en donner une explication :

Il me semble certain que l’ordre est venu de l’extérieur. À ce moment-là, l’enlèvement de Cirillo[36], à Naples, était en cours et les intérêts des différents pouvoirs légaux et illégaux s’entrecroisaient, se soutenaient les uns avec les autres et, souvent, s’identifiaient entre eux. Cette tentative de nous étriper pouvait être quelque chose de plus qu’un simple avertissement : vous, vous avez Cirillo entre vos mains et nous, nous vous tuons Moretti et, tant qu’à faire, Fenzi également. Mais il s’agit d’une simple hypothèse que je ne peux fonder sur rien. À qui correspondait ce « Nous » ? Il n’en demeure pas moins qu’ils essayèrent, et sérieusement. Dans le tract de dénonciation, nous dîmes qu’il s’agissait des carabiniers : ce qui marche à tous les coups[37].

Enrico Fenzi analyse cet épisode de façon différente :

L’angoisse que je lisais dans les yeux de Moretti était au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. La « chose » était arrivée. Ceci était incroyable. Inacceptable. Dans la cour de la prison spéciale, à peine arrivé, le chef des Brigades rouges avait été agressé. […] Après l’arrestation, les coups de couteau. Pour Moretti, c’était très difficile. Il serrait les dents, réagissait, mais il perdait de plus en plus confiance. […] « Je veux comprendre, d’abord. Je veux comprendre. » C’était son seul refrain. Il ajoutait, en aparté : « J’ai appris à mes dépens combien de conneries on nous a racontées sur les prisons, à nous qui étions à l’extérieur... et moi qui y croyais ! » Quand, six mois plus tard, à Nuoro, il s’est fait rouer de coups par les surveillants de la prison, il a fini par être totalement convaincu[38].

Rappelons que Mario Moretti n’a jamais collaboré aux enquêtes judiciaires et a gardé le silence sur les activités des Brigades rouges, exception faite pour son livre-interview. En 1994, il a obtenu la liberté provisoire avec sursis et, à l’heure actuelle, il habite et travaille à Milan. Rappelons aussi qu’Alberto Franceschini a été arrêté en 1974 et qu’il a continué un temps à militer en prison pour la lutte brigadiste, puis il s’est dissocié de la lutte armée dans les années quatre-vingt en bénéficiant au passage de considérables réductions de peine. Actuellement, il est libre et est devenu un dirigeant de l’ARCI[39].

Nous ne pouvons pas ici émettre un jugement définitif sur un phénomène aussi complexe que la lutte armée en Italie, mais nous voudrions décrire les raisons qui ont rendu la figure de Mario Moretti ambiguë et suspecte.

Moretti, dans son livre-interview avec Rossana Rossanda, a assumé l’entière responsabilité de ce qui s’est passé pendant la décennie la plus sanglante de l’Italie de l’après-guerre. De plus, en 1987, en participant avec Renato Curcio et Adriana Faranda à l’édition spéciale du TG1 (TeleGiornale 1), Dopo il terrorismo et à l’émission de Sergio Zavoli, La notte della Repubblica, diffusée sur la RAI, il a également assumé la responsabilité de la fin de la lutte armée. Personne, parmi ses anciens camarades, ne l’accuse, exception faite d’Alberto Franceschini. L’ex-brigadiste Antonio Bellavita, interviewé par le journaliste Mario Scajola à l’occasion de la sortie du film Piazza delle Cinque Lune[40], en juillet 1999, dit : « Les seuls points obscurs sont les raisons qui poussaient Franceschini à affirmer ces choses. Ce que Moretti a fait est très critiquable, et pour ma part je l’ai âprement critiqué, mais il n’existe pas le moindre élément concret pour soutenir qu’il est un mouchard. »[41] De même, les autres ex-terroristes directement mis en cause par la Commissione Stragi[42] – par ordre chronologique : Valerio Morucci, Adriana Faranda et Germano Maccari – ont jugé comme dépourvue de fondement l’hypothèse selon laquelle Moretti aurait joué le jeu de quelqu’un qui était en dehors de l’organisation. De même, aucun des juges qui ont dirigé les procès, où Moretti a accumulé six condamnations à la perpétuité, n’a pu étayer cette hypothèse. Nous tenons donc comme probable l’analyse qu’offrent de très nombreux brigadistes sur cette question. La naissance de telles conjectures se fonde sur l’idée très répandue à l’époque en Italie selon laquelle si quelque chose ne fonctionnait pas, ce n’était pas dû aux contradictions sociales ni aux dynamiques de l’histoire intérieure du pays mais, comme le dit Renato Curcio, « à quelque service secret étranger qui, en se servant de quelques naïfs, pêchait en eau trouble. De plus, ces projections imaginaires constitueraient un ingrédient nécessaire à la diétrologie : une des nombreuses façons utilisées par une certaine gauche pour dénigrer notre image et éviter de devoir reconnaître dans la limpidité de nos traits ce qu’elle avait longuement désiré mais jamais osé »[43].

Nombreux étaient alors ceux qui, plutôt que de regarder en face le malaise qui régnait en Italie à cette époque, préféraient supposer l’existence de forces obscures qui complotaient. À notre avis, il y avait là simplement la volonté de faire disparaître les Brigades rouges du panorama politique italien en niant leur autonomie pour éviter, entre autres, qu’on se pose la question de l’éventuelle existence d’une lutte civile déchirante dans l’Italie des années soixante-dix.

Aux yeux d’Alberto Franceschini, la lutte armée en Italie se réduit à des hommes au service d’une centrale du terrorisme mondial, dirigés, à leur insu, par un « grand vieux » dont Moretti serait la projection sur le sol italien. Mais ne s’agit-il pas plutôt d’un règlement de compte entre anciens militants, sans grande valeur d’un point de vue historique ?

Nous voudrions terminer cette étude par le commentaire que Mario Moretti fait lui-même des déductions construites à son égard et que nous partageons d’un point de vue politique et historique :

La campagne véhémente sur les ambiguïtés des Brigades rouges et sur moi-même, le seul dirigeant qui les avait toutes connues du début à la fin, commence à ce moment-là[44] – nous sommes en 1987 – et trouve dans la personne d’un ex-brigadiste, Franceschini, sa source d’alimentation. Les médias les recueillent et peignent les Brigades rouges et ma personne comme un théâtre de marionnettes manœuvrées par Dieu sait quel service secret. Je ne sais pas comment définir ce qui s’est passé chez Franceschini, aucun désaccord politique ne justifie ce qu’il a fait. Tandis que nous proposons une solution politique pour les prisonniers de la lutte armée, on nous répond en cherchant à nous démolir sur le terrain de la pureté politique. Ce n’était pas une nouveauté, le PCI disait que nous étions des fascistes même quand nous frappions Labate chez FIAT ou Macchinari chez Siemens. Même si cela ne persuadait personne. C’est seulement quand ils ont compris que certains parmi nous étaient disposés à brader notre identité, qu’ils se sont déchaînés. Et Moretti est alors devenu ce personnage mystérieux et louche[45].

Nous ajoutons simplement que Mario Moretti, mis à part son livre-interview avec Rossana Rossanda où il estime avoir expliqué son point de vue sur la lutte armée, sur l’histoire des Brigades rouges et ses motivations, n’a jamais plus fait de déclaration publique et s’est tenu à l’écart des polémiques. Cette attitude n’a, depuis, fait qu’amplifier son aura de mystère, de suspicion et son statut de figure légendaire de la lutte armée italienne.


[1] Ex-criminologue et chef des Brigades rouges après l’arrestation de Mario Moretti, Senzani opère une scission en fondant le groupe BR - Partito della Guerriglia. Il ouvre à la lutte armée un accès à la criminalité organisée (et entre autres à la Camorra lors de l’enlèvement du démocrate-chrétien Ciro Cirillo, président de la région de Campanie). Il est à l’origine de l’enlèvement et de l’exécution de Roberto Peci, frère de Patrizio Peci, le premier repenti des Brigades rouges.

[2] Sergio Flamigni était un député du PCI, membre de la commission d’enquête sur l’affaire Aldo Moro, la Loggia P2 et la mafia. Depuis le milieu des années soixante-dix, il n’a cessé d’enquêter sur les soi-disant « mystères » de la lutte armée.

[3Dietrologia (dietro + logia : étude) et dietrologo sont deux termes italiens utilisés par les journalistes et les historiens, dans les années soixante-dix, pour parler de la recherche de faits mystérieux qui seraient derrière un événement ou les actions de certains personnages. Ces reconstructions rétrospectives sont souvent ambiguës et discutables. Nous avons décidé de les traduire par les termes diétrologie et diétrologue.

[4] Sergio Flamigni, La sfinge delle Brigate rosse. Delitti, segreti e bugie del capo terrorista Mario Moretti, Milan, Kaos, 2004.

[5] Renato Curcio, A viso aperto, Milan, Mondadori, 1993. Pour l’édition française : À visage découvert, Paris, Lieu commun, 1993.

[6] Mario Moretti, Carla Mosca, Rossana Rossanda, Brigate Rosse. Una storia italiana, Milan, Baldini Castaldi Dalai, 2002 [1994].

[7] Alberto Franceschini, entretien avec Giovanni Fasanella, Che cosa sono le BR, Milan, Rizzoli BUR, 2004. Pour l’édition française : Brigades rouges. L’histoire secrète des BR racontée par leur fondateur, trad. F. Bienfait et Th. Quéré, Paris, Panama, 2005.

[8] Enrico Fenzi, Armi e bagagli. Un diario delle Brigate Rosse, Gênes, Milan, Costa & Nolan, 1998. Pour l’édition française : Armes et bagages. Journal des Brigades rouges, trad. G. Marino, Paris, Les Belles Lettres, 2008.

[9] À la différence de Renato Curcio, qui est issu de la faculté de sociologie de l’université de Trente, ou d’Alberto Franceschini, qui a été élevé dans une famille communiste de Reggio Emilia et qui est inscrit au PCI, Mario Moretti n’a pas de cursus universitaire ni de passé politique dignes d’intérêt.

[10] Il rencontre notamment Corrado Alunni, ouvrier de la Sit-Siemens, qui décide également d’entrer dans les Brigades rouges. Ce dernier, arrêté en 1978 et incarcéré à Milan, s’évade de la prison de San Vittore en 1980. En 1989, il se dissocie de la lutte armée. Paola Besuschio, qui fait connaissance de Moretti à la Sit-Siemens, entre d’abord dans Potere Operaio et par la suite dans les Brigades rouges. Elle est arrêtée en 1975. Moretti rencontre également Giorgio Semeria, brigadiste du groupe historique arrêté en 1976.

[11] Renato Curcio est, avec sa femme Margherita Cagol et Alberto Franceschini, le fondateur des Brigades rouges.

[12] Corrado Simioni a été souvent identifié avec l’improbable image du grande vecchio qui dirigerait de manière secrète les Brigades rouges. Plus concrètement, la Commissione Stragi l’a qualifié de « personnage énigmatique ». Giorgio Bocca écrit à son propos dans le quotidien La Repubblica, le 31 mai 1999 : « Il a fallu que j’aille à Chamonix pour rencontrer l’un des soi-disant “grands vieux”, le professeur Simioni du Superclan qui n’était pas, comme on peut l’imaginer, une sorte de spectre, mais un groupe super-clandestin de jeunes intellectuels qui croyaient que le capitalisme allait s’écrouler en 1973 et se préparaient à l’ensevelir dans le plus grand secret. Tout cela se déroulait à Paris, où Simioni avait ouvert une école de langues, l’Hypérion. Le lieu de la rencontre était digne d’un “grand vieux”, dans la maison en bois de Balmat, l’alpiniste légendaire du Mont Blanc. Le professeur Simioni était l’ami d’un des héritiers de l’Abbé Pierre. Je crus comprendre que Simioni et les siens remerciaient le ciel de s’être expatriés à temps et de ne pas être rentrés dans la machine infernale du terrorisme. »

[13] Vanni Molinaris, Corrado Simioni et Duccio Berio quittent l’organisation et fondent, à Paris, l’école de langues Hypérion. Il s’agit du fameux Superclan, une structure clandestine qui aurait servi de centrale internationale pour le terrorisme.

[14Che cosa sono le BR, op. cit., en particulier p. 54-55 et p. 101 « Era un uomo di Simioni. Le racconto un episodio che le farà capire. Nella sede del CPM, a Milano, c’era un salone dove si facevano le assemblee ed era il luogo della comunicazione all’interno del Collettivo : se qualcuno aveva qualcosa da dire, affiggeva al muro un manifesto. Un giorno, nella primavera 1970, ne comparve uno che attaccava pesantemente il CPM. Era firmato da un gruppo guidato da Moretti e ci accusava di essere un branco di parolai, di fare solo chiacchiere. Perciò, annunciava il manifesto, Moretti e i suoi amici avevano deciso di abbandonare il CPM. […] Ne parlai con Mara Cagol e lei mi tranquillizzò. Mi fece capire che era tutta una messinscena organizzata da Simioni per dare una copertura a Moretti, che in realtà andava a operare nella struttura clandestina di Corrado. […] Oggi sono sicuro che gli dissero di tornare, perché Simioni non aveva rinunciato al suo disegno : riprendersi le Brigate rosse. »

[15Che cosa sono le BR, op. cit., p. 103-104 : « Era una buona regola sospettare di chiunque chiedesse di entrare nell’organizzazione. Allora noi eravamo convinti che, se la polizia o i carabinieri avessero voluto infiltrarci con un loro uomo, non gli avrebbero mai consentito di compiere un reato grave come una rapina in banca. » (Les extraits traduits de l’italien l’ont été par nos soins).

[16] La première action des Brigades rouges visant une personne est la séquestration du dirigeant de cette firme. Il est kidnappé dans l’usine même, photographié avec une pancarte accrochée au cou (où on peut lire : « Mordi e fuggi. Niente resterà impunito. Colpirne uno per educarne cento ») et interrogé lors d’un « procès prolétaire » dans la prison du peuple. Il est libéré immédiatement après.

[17] Une semaine avant son enlèvement, De Carolis disparaît mystérieusement.

[18Che cosa sono le BR, op. cit., en particulier p. 114-115 : « Moretti era il brigatista che aveva allestito il covo-prigione insieme a Pisetta, confidente della polizia dal 1969. Lei che cosa pensa : Pisetta aveva taciuto il suo nome ? E allora, perché ? Oppure la polizia aveva chiuso un occhio su Moretti ? E allora, perché ? Quello che è certo è che noi avevamo regole precise, e lui le aveva infrante tutte. Non doveva andare li in macchina, ma in metropolitana. Comunque non avrebbe mai dovuto parcheggiare l’auto lì davanti e, soprattutto, poi non avrebbe dovuto abbandonarla. E infatti, dai notiziari apprendemmo che, dall’auto, la polizia era risalita alla moglie. […] La logica la si può benissimo dedurre dalle conseguenze. Da un lato, vennero bruciati molti compagni. Dall’altro, noi ci trovammo di fronte a un fatto compiuto : poiché la polizia era risalita alla moglie di Moretti, lui era in pericolo, e quindi fummo contretti ad accettare la sua richiesta di venire nella clandestinità con noi. »

[19A viso aperto, op. cit., en particulier p. 6 : « Ricordo che una volta Mario Moretti, mi sembra in occasione di una nostra azione alla Sit-Siemens nel ’72, si confuse e la fece a sei punte. Cosi, quando venne diffuso il volantino con quella stella sbagliata, tutti i giornalisti parlarono di “provocazione”, di “intervento dei servizi segreti” e varie altre amenità. »

[20Che cosa sono le BR, op. cit., en particulier p. 123 : « Noi allora pensammo che Moretti fosse un po’ distratto. Oppure che, commettendo quell’errore, aveva voluto mandare quel messaggio a qualcuno. Cos’altro dovevamo pensare ? Molti anni dopo, un ufficiale dei carabinieri che ha speso la sua vita a indagare sul terrorismo, mi ha detto : “Moretti voleva mandare un messaggio agli israeliani : guardate che cosa sono in grado di fare, comando io”. »

[21] Mario Sossi, magistrat au tribunal de Gênes, est enlevé alors qu’il est en train de mener une enquête sur la lutte armée. Sossi est interrogé, comme tous les détenus des Brigades rouges et, à la fin, les brigadistes menacent de le tuer (voir notamment le slogan très utilisé pendant les manifestations de l’époque : Sossi, fascista, sei il primo della lista !). En contrepartie, les brigadistes demandent la libération des membres du groupe XXII Ottobre, qui est refusée. Ils l’épargnent quand même grâce à l’offre du tribunal de Gênes de revoir la position des détenus de ce même groupe. Après sa libération, le 23 mai 1974, le procureur de la République Francesco Coco ne tient pas parole et s’oppose à la révision du dossier du groupe XXII Ottobre. Il devient par la suite une cible des Brigades rouges et est exécuté le 8 juillet 1976.

[22] Guérillero en Amérique Latine et ex-religieux, il rentre du Chili en 1974 et se convainc que la lutte armée menée par les Brigades rouges est vouée à l’échec. Les carabiniers lui demandent sa collaboration et, grâce à sa renommée de combattant, il s’infiltre dans les milieux de l’extrême gauche. Il rencontre Renato Curcio une première fois à Pinerolo et est jugé conforme aux attentes des brigadistes. Il le rencontre à nouveau en présence de Moretti et lui propose de se charger de l’entraînement militaire du groupe armé. L’engagement aurait dû se concrétiser à la troisième rencontre, mais « frate Mitra » se présente à ce rendez-vous avec les carabiniers et Curcio et Franceschini sont pris au piège et arrêtés.

[23] Carlo Alberto Dalla Chiesa (1920-1982) fut général et préfet. Connu pour son engagement dans la lutte contre le terrorisme et contre la mafia, il mourut dans un attentat à Palerme en 1982. L’État lui avait donné des pouvoirs spéciaux dans le combat contre le terrorisme. Il fut, entre autres, à l’origine de la loi sur les repentis et sur les prisons spéciales.

[24Che cosa sono le BR, op. cit., en particulier p. 147.

[25Brigate Rosse, op. cit., en particulier p. 76 : « Ma quali sospetti. Franceschini ha ormai fatto un mestiere della dissociazione e delle insinuazioni contro le BR. Ha un rapporto contorto con se stesso e la verità. »

[26A viso aperto, op. cit., en particulier p. 102 : « Moretti non è responsabile di colpe più gravi di quelle da addebitare a una certa sbadataggine e smemoratezza. […] I fatti che ho accertato sono i seguenti. Cinque giorni prima della nostra cattura, il lunedì 2 settembre, Enrico Levati, un medico di Novara molto ingenuo che aveva rapporti periferici con le BR, riceve una misteriosa telefonata : “Avverti Curcio di non andare all’appuntamento con Girotto, è una trappola.” […] Il messaggio arriva a Moretti tra giovedì e venerdì. Ma lui non ritiene necessario di agire subito perché sa che […] da quel posto non mi sarei mosso fino a sabato notte o domenica mattina. Pensa quindi di venire ad avvertirmi nella giornata di sabato. »

[27] En avril 1975, les Brigades rouges décident de mettre en place une séquestration d’autofinancement. Le 4 juin, l’industriel Vittorio Vallarino Gancia est enlevé et amené dans une ferme (la cascina Spiotta), sur les collines de la province d’Alessandria. Mara Cagol s’occupe de surveiller Gancia avec un autre camarade. Le lendemain matin, les carabiniers arrivent jusqu’à leur repaire : les brigadistes craignent une embuscade et lancent une grenade qui blesse deux carabiniers. Les deux terroristes sortent de la ferme en tirant des coups de feu et arrivent à rejoindre une de leurs voitures mais sont bloqués par un véhicule des forces de l’ordre. Ils font semblant de se rendre, mais font à nouveau feu. Mara Cagol est tuée dans l’affrontement et son camarade arrive à s’en fuir. Selon les brigadistes, Mara Cagol, au départ simplement blessée, aurait été achevée par les carabiniers.

[28Che cosa sono le BR, op. cit., en particulier p. 154 : « Ricordo che Curcio era strano, se ne stava sulle sue, come se avesse problemi, preoccupazioni. Pensavo che dipendesse dalla morte di Mara e un giorno lo presi da una parte per parlarne un po’. Lui, invece, se ne usci’ con questa frase : “Giorgio (Semeria) ha ragione, sono certo che Moretti è una spia”. »

[29] La compartimentation est une loi de la guerre urbaine révolutionnaire et un des principes fondamentaux de la sécurité des brigadistes. Nous en avons une bonne définition dans un de leurs textes, reproduit sur Internet : « La compartimentazione è una legge generale della guerra rivoluzionaria nella metropoli. Ed è uno dei principi fondamentali della sicurezza della nostra organizzazione. La nostra esperienza ha dimostrato che chi trascura questa legge o non la applica con assoluto rigore è destinato inevitabilmente alla distruzione. Marighella : “Dobbiamo evitare che ognuno conosca gli altri e che tutti conoscano tutto. Ognuno deve sapere solo ciò che riguarda il suo lavoro.” Che : “Nessuno, assolutamente nessuno deve sapere in condizioni di clandestinità altro che lo strettamente indispensabile e non si deve mai parlare davanti a nessuno.” Nella nostra organizzazione è necessario realizzare una compartimentazione verticale (tra le varie istanze a tutti i livelli) e orizzontale (tra le colonne, tra i fronti, tra le brigate, tra i compagni di uno stesso organismo). È necessario ricordare però che anche la struttura meglio compartimentata non reggerebbe a lungo senza una reale discrezione dei militanti. La discrezione in altri termini è una regola di condotta fondamentale per un guerrigliero urbano. Compartimentazione non vuol dire “compartimentazione di un dibattito politico e di tutte le informazioni”. È il comitato esecutivo (CE) e sono i vari fronti che per evitare questo pericolo devono garantire ed estendere la pratica delle relazioni informative e politiche e dei bilanci di esperienza che consentano pur in una situazione di compartimentazione organizzativa assoluta il più ampio dibattito politico. » En ligne : [http://www.brigaterosse.org/brigaterosse/documenti/archivio/doc0006.htm]. Consulté le 7 octobre 2010.

[30A viso aperto, op. cit., en particulier p. 98 : « Il fatto grave è che sotto una montagna di chiacchiere, di evanescenti sospetti, venga seppellito un uomo, Mario Moretti, che la giustizia di Stato, già per conto suo, ha provveduto a sotterrare sotto montagne di ergastoli. Ora, non sta a me giudicare Franceschini. Devo dire però che personalmente non ho alcun motivo di condividere l’operato e le parole di chi getta fango, discredito e sospetti su Mario Moretti. E perciò provo molata amarezza quando altri, con cui ho condiviso una parte importante della mia vita, lo fanno. »

[31] Lauro Azzolini, tout comme Franco Bonisoli, font partie du groupe historique des Brigades rouges et connaissent Alberto Franceschini depuis l’époque de leur engagement dans le PCI à Reggio Emilia.

[32Che cosa sono le BR, op. cit., en particulier p. 160-161 : « L’indagine non portò da nessuna parte e, dopo qualche mese, decidemmo di lasciar perdere. »

[33] Un grand débat s’ouvre entre ceux qui étaient favorables au meurtre d’Aldo Moro et ceux qui étaient contre. Parmi les opposants, Adriana Faranda et Valerio Morucci, qui quittent l’organisation une fois l’opération terminée. À signaler aussi, l’opposition de Germano Maccari, qui a fait partie du groupe qui détenait l’homme d’État emprisonné et qui, à la fin de cette action, quitte non seulement les Brigades rouges mais aussi la lutte armée.

[34] Enrico Fenzi a obtenu en 1962 un doctorat de littérature italienne à l’université de Gênes avec une thèse sur les Triomphes de Pétrarque. Il est devenu assistant la même année et, en 1967, professeur de littérature italienne. En 1979, il a été arrêté avec sa femme Isabella pour participation à la bande armée des Brigades rouges. Acquitté un an après, il entre dans la clandestinité et est de nouveau arrêté en 1981, à Milan, en compagnie de Mario Moretti. Libéré en 1986 après s’être dissocié des Brigades rouges, il retourne purger sa peine en 1993 et est en règle avec la justice depuis 1997. En 1990, il a officiellement quitté l’enseignement et repris ses travaux et publications. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, il a recommencé à participer à des colloques savants et à des séminaires en Italie et à l’étranger. Il a écrit un livre de mémoires sur sa période de lutte armée : Armi e bagagli. Un diario delle Brigate Rosse.

[35] DIGOS : acronyme de Divisione investigazioni generali e operazioni speciali. Il s’agit d’une division de la police d’État qui s’occupe principalement des mouvements mettant en péril l’ordre démocratique.

[36] Le 27 avril 1981, les Brigades rouges enlèvent à Torre del Greco, dans le garage de son immeuble, le démocrate-chrétien Ciro Cirillo. Cet enlèvement se transforme en un cas politique et judiciaire éclatant, en un entrecroisement obscur dont les protagonistes sont les services secrets, les Brigades rouges, la Camorra et les dirigeants de la Démocratie chrétienne.

[37Brigate Rosse, op. cit., en particulier p. 230 : « E’ certo che l’ordine è venuto da fuori. In quel tempo era in atto il sequestro Cirillo e a Napoli gli interessi dei diversi poteri, legali ed illegali, si intrecciavano e si sorreggevano a vicenda, spesso si identificavano. Quel tentativo di sbudellarci poteva essere qualcosa di più che un avvertimento : voi tenete Cirillo, noi vi ammazziamo Moretti e per buon peso, anche Fenzi. Ma è un’ipotesi che non posso appoggiare su niente. “Noi” chi era ? Resta il fatto che ci provarono e seriamente. Nel volantino di denuncia dicemmo che erano stati i Carabinieri, che va sempre bene. »

[38Armi e bagagli, op. cit., en particulier p. 171-172 : « L’angoscia che leggevo negli occhi di Moretti andava oltre ogni possibile perché. La “cosa” era avvenuta. Questo era incredibile. L’inaccettabile. Proprio nel cortile di un carcere speciale, appena arrivato, il capo delle BR era stato accoltellato. […] Dopo l’arresto, le coltellate. Per Moretti era davvero dura. Stringeva i denti, reagiva, ma era sempre più sfiduciato. […] “Voglio capire, prima. Voglio capire.” Era il suo chiuso ritornello. Aggiungeva, a parte : “Ho imparato a mie spese quante balle ci abbiano raccontato sul carcere, a noi fuori… e io che ci credevo !” Quando, sei mesi dopo, a Nuoro, ha preso un sacco di botte dalle guardie, s’è convinto del tutto. »

[39] ARCI : Associazione ricreativa e culturale italiana. Association de promotion sociale qui se réclame des valeurs démocratiques nées pendant la lutte de libération contre le nazisme et le fascisme, mais aussi de la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que de la Convention des droits des enfants de l’ONU en agissant dans des contextes locaux, nationaux et internationaux.

[40] Ce film, sorti en 2003, écrit et dirigé par Renzo Martinelli, s’inspire de l’enlèvement et de l’assassinat d’Aldo Moro. Le film propose une reconstruction possible, diétrologiste, selon un scénario de science-fiction.

[41] « Ritengo che di oscuro ci siano solo i motivi per cui Franceschini dice queste cose. Quello che ha fatto Moretti è criticabilissimo, ed io l’ho criticato aspramente. Ma non esiste il benché minimo elemento concreto per sostenere che sia un infiltrato. » En ligne [http://www.rifondazione-cinecitta.org/mariomoretti.html]. Consulté le 7 octobre 2010.

[42] La commission d’enquête parlementaire sur le terrorisme en Italie, créée pendant la Xe législature par la loi no 172 du 17 mai 1988, est restée active jusqu’en 2001.

[43A viso aperto, op. cit., en particulier p. 142 : « A qualche servizio segreto straniero che servendosi di alcuni sprovveduti mestava nel torbido. Inoltre, queste proiezioni immaginarie rappresentavano un ingrediente necessario alla dietrologia : uno dei tanti modi con cui certa sinistra ha tentato di denigrare la nostra immagine per evitare di dover riconoscere nella limpidezza dei nostri tratti ciò che essa aveva molto tabulato e mai osato. » À ce sujet, nous voudrions aussi renvoyer à l’article écrit par Rossana Rossanda le 2 avril 1978 dans le quotidien Il Manifesto et intitulé « L’album di famiglia » : « In verità, chiunque sia stato comunista negli anni Cinquanta riconosce di colpo il nuovo linguaggio delle BR. Sembra di sfogliare l’album di famiglia : ci sono tutti gli ingredienti che ci vennero propinati nei corsi di Stalin e Zdanov di felice memoria. Il mondo – imparavamo allora – è diviso in due. Da una parte sta l’imperialismo, dall’altra il socialismo. » De cette façon, elle lie l’histoire des Brigades rouges à celle du PCI alors que ce dernier était en train de dénoncer la politique de la lutte armée comme s’il s’agissait d’un corps étranger à leur parti.

[44] C’est-à-dire au moment où Moretti essaie de tourner la page du terrorisme et revendique l’ensemble des actions des Brigades rouges.

[45Brigate Rosse, op. cit., en particulier p. 255 : « La campagna furibonda sulle ambiguità sulle BR e su di me, unico dirigeante che le aveva conosciute tutte dall’inizio alla fine, comincia allora – siamo nel 1987 – e trova in un ex BR, Franceschini, chi la alimenta. I mezzi di informazione la raccolgono e dipingono le BR e me come un teatrino di burattini manovrati da chissà quali servizi. Non so come definire quel che è successo in Franceschini, nessun dissenso politico giustifica quel che ha fatto. Cosi noi proponiamo la soluzione politica per i prigionieri della lotta armata e ci rispondono cercando di demolirci sul terreno della limpidezza politica. Non era una novità, il PCI diceva che eravamo fascisti persino quando colpivamo Labate alla FIAT o Macchiarini alla Siemens… anche se non persuadeva nessuno. Ma soltanto quando hanno capito che alcuni di noi erano disposti a svendere la nostra identità si sono scatenati. E Moretti è diventato il personaggio misterioso e losco. »


Citer cet article :

Elisa Santalena, « La figure controversée de Mario Moretti,
entre histoire et suspicion », colloque Littérature et "temps des révoltes" (Italie, 1967-1980), 27, 28 et 29 novembre 2009, Lyon, ENS LSH, 2009, http://colloque-temps-revoltes.ens-lsh.fr/spip.php?article74