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Représentations du terrorisme dans la BD Trilogia del terrorismo. Il commissario Scarpa de G. L. Gonano et G. De Luca, ( Il Giornalino Milano : edizioni San Paolo, 1979)

Sylvie Martin-Mercier

Résumé

Nous nous proposons d’analyser le terrorisme [rouge ?] italien, et plus précisément milanais, dans une bande dessinée publiée à la fin des années 70. Cette bande dessinée, intitulée Trilogia del terrorismo (Il Giornalino, Milano : Edizioni San Paolo, 1979), s’articule en trois opus intitulés respectivement « I terroristi », « La grande confusione » et « La scelta ». Le célèbre Commissario Scarpa, créé en 1969 par un des plus grands noms de la bande dessinée italienne, se retrouve aux prises avec un groupe de terroristes milanais nommé Aut-Aut, qu’il recherche activement après que l’un de leurs membres (une femme) a descendu un hélicoptère de la police (t. 1). Dans le second tome, le commissaire est obligé d’entraîner un corps d’élite sous le regard de la presse tandis que le groupe commet des actes sanglants et réussit à libérer ses camarades emprisonnés avant d’être enfin démantelé par Scarpa (t.3).
Si cette bande dessinée n’est pas la seule publication des années 70 à traiter de ces événements et de ce phénomène qui lui sont contemporains - il nous suffit de penser aux BD et textes publiés au même moment dans Linus et AlterLinus - , elle présente des caractéristiques particulières, tant au niveau de l’histoire narrée que de la forme, qu’il nous semble intéressant de questionner.
Le Commissario Scarpa est né d’une idée apparue dans la rédaction du Giornalino, hebdomadaire catholique créé en 1924, publié par les Edizioni Paoline, très longtemps vendu uniquement dans les églises et par abonnement. Ce personnage était alors le seul commissaire de police des fumetti italiens, à un moment où le giallo n’était pas très en vogue chez les auteurs de BD. Cas alors très rare dans la BD italienne, les aventures de cette série sont systématiquement ancrées dans l’époque qui leur est contemporaine, les auteurs portant une grande attention aux changements, tensions de leur époque qu’ils font entrer dans leurs histoires non comme simples cadres ou objets d’analyse (historique par exemple) mais comme moteurs de leur fiction. Une extraordinaire volonté de donner une vision si ce n’est totalement objective, au moins réaliste et surtout équilibrée de ces phénomènes complexes transparaît dans ces trois histoires qui nous permettent d’approcher les différents points de vue : du côté des terroristes, nous assistons à la montée de la tension et au passage à l’acte, à la violence, devenant témoins du moment où tout « bascule » pour un personnage. Parallèlement nous découvrons les incompréhensions de l’appareil judiciaire et policier qui ne trouve pas de réponse adaptée, mais aussi les doutes qui peuvent toucher les policiers sauf – peut-être - l’inébranlable Scarpa. Enfin, nous voyons le mal être et la difficulté à se déterminer que peuvent éprouver des personnages, souvent les plus jeunes (y compris le fils de Scarpa), séduits et inquiets. Cette bande dessinée ne se veut donc ni une défense, ni une accusation du terrorisme mais une tentative de compréhension tout à fait inédite et courageuse si on pense au périodique qui la publie.
Ces histoires sont par ailleurs admirablement servies par des techniques narratives et surtout une mise en page et des angles de vue absolument novateurs à la fin des années soixante dix qui apportent une dimension visuelle, graphique très riche. C’est donc cette approche particulière que nous voudrions analyser sachant que si ce personnage n’a jamais connu un grand succès éditorial, cantonné qu’il fut au secteur du « fumetto per ragazzi », il continue à véhiculer un discours très lisible aujourd’hui puisqu’il vient de faire l’objet ces 3 dernières années de plusieurs rééditions.