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« Fughe in prigione » : militants en prison et écriture

Pierre Girard

Résumé

Notre approche se propose d’étudier la littérature du « temps des révoltes » dans les années 1970 et 1980 en Italie à partir du prisme de l’expérience carcérale. Il nous semble en effet que la prison offre une perspective extrêmement féconde qui permet de mettre en valeur les mécanismes complexes qui lient une expérience politique et sociale extrême, celle de la lutte armée, à ce qui en apparence peut lui sembler parfaitement étranger, la littérature. L’expérience carcérale constitue en effet une sorte de laboratoire particulier où les engagements politiques se modifient et trouvent dans l’écriture une sorte de continuité paradoxale. Nous parlons du reste ici d’écriture plutôt que de littérature au sens propre du terme, tant la prison, qu’elle soit celle vécue, celle imaginée, celle remémorée, celle crainte, suscite des textes souvent très divers entre eux. L’intérêt de la prison est qu’elle permet tous les points de vue, tous les niveaux rhétoriques : celui politique de la révolte, celui du témoignage, celui de la fiction, etc.

Nous voudrions développer ces perspectives en prenant plusieurs textes ayant des niveaux rhétoriques très divers : des textes de fictions (Gli invisibili de Nanni Balestrini, Libera i miei nemici, de Rocco Carbone), des textes mélangeant témoignages et fiction (Settanta de Toni Negri, Il circuito dei camosci de Claudio Giacchino, Supercarcere Asinara de Giampaolo Cassitta), des témoignages (notamment les nouvelles de Geraldina Colotti). Nous voudrions enfin nous intéresser à certains textes qui utilisent la littérature pour dépasser la prison dans un processus classique de sublimation, faisant de celle-ci une sorte de laboratoire littéraire. Nous pensons en particulier à certains textes de Renato Curcio (Wkhy, La soglia, Nel bosco di Bistorco). Notre but est de ne pas nous attacher simplement à un texte unique, mais, en explorant plusieurs pistes, de montrer que le rapport à la prison, qu’il soit réel, fictif ou actuel, permet une littérature extrêmement riche, qui brise les cadres classiques, faisant se mélanger des genres habituellement distincts.